La transition d’un système aussi important est un processus, long, coûteux et nécessitant de la constance dans les décisions de la part des agents économiques comme des États. Chaque acteur, par sa consommation propre, ne voit qu’une infime fraction de cette demande d’énergie. Pour comprendre l’ampleur du défi, elle doit être vue à son échelle globale. Cela exige une réflexion et une action à une maille mondiale.
La mise en œuvre est complexe : les autorités européennes ont opté pour des mesures de régulation et d’encadrement à mise en œuvre progressive.
Différents programmes européens ont été décidés : « Fit for 55 », « Green Deal », CSRD, Count Emissions EU. Le programme « Fit for 55 » comportait deux volets : d’une part, la réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030 (comparé à 1990, année de référence) ; d’autre part la diminution nette de consommation d’énergie (dite énergie finale) de 34 % en 2030 (versus 1990).
Le CO2 n’étant que l’indicateur d’avancement de cette transformation.
La France veut être aux avant-postes de cette politique née avec la signature du protocole de Kyoto en 1997.
La France a par ailleurs, créé par l’article L.229-25 du Code de l’environnement1 une obligation de publication de bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES).
Dès 2010, cela s’est traduit par l’obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés (en métropole) et de plus de 250 salariés (en outre-mer), de réaliser un Bilan d’Emissions de Gaz à Effet de serre Simplifié.
D’abord concentré sur les « Scope 1 & 2 » suivant le GHG Protocol, par décret ministériel daté du 11 juillet 2022, la France a étendu le périmètre au Scope 3.
Leurs définitions sont les suivantes :
Scope 1 : Il correspond aux émissions de gaz à effet de serre (GES) directement émises par les activités de l’entreprise. Il s'agit des émissions directes de gaz à effet de serre issues de combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon…) ;
Scope 2 : Il couvre les émissions de GES indirectes associées à la consommation d’énergie, qui surviennent en dehors des installations de l’entreprise. Il englobe les émissions indirectes résultant de la production d'énergie achetée et consommée par l'organisation (électricité et réseaux de chaleur / froid) ;
Scope 3 : Il inclut les émissions de GES indirectes qui échappent au contrôle direct de l’entreprise, englobant souvent les activités en amont et en aval de la chaîne de valeur. Ces émissions couvrent une gamme plus large et incluent les émissions indirectes qui résultent des activités de l'organisation, mais qui se situent en dehors de son contrôle direct : produits et services achetés, transport et logistique, déchets, etc.
Ce bilan est réalisé suivant la norme ISO14064. Depuis le mois de mars 2023, elle est supplantée pour ce qui concerne les « activités de transport » (tous modes), par la norme ISO14083, qui devient seule référente pour tous les reporting portant sur des opérations de la chaine logistique pour ce qui concerne les textes supranationaux.
Le 20 juin 2019, l’UE dégaine le règlement 2019-1242 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs. Ce texte concerne les obligations des constructeurs de véhicules industriels présents sur le sol européen. Le 14 juillet 2021, la Commission Européenne présente son paquet « Ajustement à l’objectif 55 », avec pour outil le Système d'échange de quotas d'émission de l'UE (SEQE de l’UE), et sa refonte. En outre, un nouveau système autonome d'échange de quotas d'émission est créé (ETS 2) qui concerne (entre autres) les carburants pour les activités du bâtiment et du transport routier. Ce dispositif SEQE-UE 2, se traduira, au 1er janvier 2027, par l’ajout d’une taxe carbone sur la commercialisation de tout carburant d’origine fossile. L’électricité, tout comme les biocarburants, est exemptée des dispositions ETS 2.
Ce n’est pas tout. Le 21 avril 2021, la Commission européenne a présenté la proposition CSRD (directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises) dans le cadre du pacte vert pour l'Europe et du programme en matière de finance durable. Adoptée en novembre 2022, elle s’applique depuis le début d’année 2024 pour une part des entreprises européennes. Cela représente de 6 000 à 8 000 entreprises impactées à terme en France. Les PME exclues du périmètre à l’heure actuelle, peuvent se porter volontaires. Les outils de mesure sont connus : il y a 12 normes développées, dont l’ESRS E1 « Changement climatique » où la méthodologie inclut une approche IRO (Impact, Risque, Opportunité) et une analyse en double matérialité : matérialité d’impact (activité de l’entreprise) mise en parallèle de la matérialité financière (durabilité de l’entreprise et facteurs exogènes).
Les rapports CSRD reposent sur des données mesurables et quantifiables, avec un point particulier pour les activités de transport (norme ISO14083).
Le 11 avril 2024, un nouveau texte a été validé par le Parlement Européen (et doit encore être soumis au Conseil Européen) : le Count Emissions EU.
Le projet de texte actuel n’oblige pas les entreprises de transport à calculer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), mais si elles choisissent de le faire à des fins de reporting ou de marketing, elles doivent -sous peine de sanctions- suivre la méthodologie fournie. Des règles fixent les paramètres communs représentant les émissions de GES et leurs comparaisons. Pour le transport de marchandises, il s’agirait d’émissions de CO2 par tonne-kilomètre, pour le transport de passagers, d’émissions de CO2 par passager-kilomètre.
Les PME seront soumises à une procédure allégée ; elles pourront faire appel à des « calculateurs certifiés ».
1Loi dite Engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010 complétée et renforcée par la loi dite Energie climat du 8 novembre 2019.
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